Vivre à Paris

La Cour des Miracles

Paris est lisse. Paris est propre. Le Paris des grands assassins semble renvoyé dans le monde rococo du fantasme troubadour. On songe aux malandrins de Notre Dame de Paris, aux voyous des Misérables, aux grands forfaits de Cartouche.

Mais, comme chante Fréhel, « ce sont des visions de cinéma ». Comme si le Paris noir s’était envolé. Comme si la ville n’avait plus pour fonction d’effrayer. Pourtant si l’on se concentre bien… Arrivant à Strasbourg Saint Denis, entre les kébabs et les boutiques de design modeux, rappelez-vous que se trouvait ici la Cour des Miracles, centre stratégique de la canaille parisienne. Disséminé dans le labyrinthe pré-haussmannien de ses ruelles médiévales, la Cour des Miracles se trouvait pour partie à l’angle Bonne-Nouvelle/Saint Denis, et dans le quartier de la place du Caire. Si la première Cour des Miracles se tint en bonne logique rue de la Truanderie, aux Halles, elle oscilla ensuite dans le Marais (rue des Francs Bourgeois) pour se fixer dans le quartier de la rue Saint Denis. Miracle était une antiphrase, pour moquer ces infirmes de tous poils, qui vivaient ici en zone franche. Paris aurait compté une douzaine de « Cours de Miracles », parfois simultanément. La plus vaste était le « fief d’Alby », à l’angle du passage du Caire et de la rue d’Aboukir, au cœur du Sentier.

C’est le lieutenant général de Police La Reynie qui mit un terme à cet état dans l’état, vers 1668. Il fallut soldats, gendarmes et sapeurs par centaine pour nettoyer ce quartier, avant que les masures n’en soient rasées pour devenir le quartier dit de Bonne Nouvelle.

Les habitants de la Cour des Miracles étaient-ils pourtant tous des assassins et des bandits ? Non, plus simplement des mendiants qui s’organisaient pour survivre, quel qu’en fut le prix…