Vivre à Paris

Les Boîtes de nuit de St Germain des prés

En 1945, le montmartrois Henri Leduc ouvre son Bar Vert, au 10 rue Jacob. Il y sert du café au lait au petit milieu des lettres et du cinéma. Prévert y a ses habitudes et la maison est bientôt reprise par Bernard Lucas, lequel va lui aussi comprendre l’air du temps et commencer à chercher un lieu qui puisse être LE lieu nocturne dans ce Paris de l’immédiat après-guerre. Avec son ami Frédéric Chauvelot, Lucas avise un petit café au 33 de la rue Dauphine, à l’angle de la rue Christine (emplacement de l’actuel Hôtel d’Aubusson). La maison est tenue par un couple de charcutiers toulousains pour qui l’occupation fut profitable. L’établissement fermant tard, les noctambules du quartier s’y retrouvent volontiers. Lucas et Chauvelot proposent alors aux charcutiers de « privatiser » leur sous-sol pour en faire un club privé. Les toulousains acceptent et le Tabou ouvre le 11 avril 1947. Aussitôt fréquenté par Boris Vian, Claude Luter, Raymond Queneau, Juliette Gréco, le lieu devient une Mecque germanopratine. La légende du Tabou est née. Lassés du raffut provoqué par le succès du club, les riverains sont toutefois vite furieux et portent plainte auprès la police du 6e arrondissement. Le Tabou outrage les bonnes mœurs en célébrant l’élection de Miss Vice ou de l’Apollon du Tabou. Sans compter ses nuits à thèmes, qui témoignent bien de l’américanomanie ambiante : Chicago, Westerns… Paradoxe : on associera longtemps cette jeunesse dépravée et dissolue à la philosophie existentialiste, alors que Sartre n’y est pour rien, se défendant bien d’être assimilé à ces jeunes gens.

Au Tabou, vite démodé (ou considéré comme tel par ses fondateurs, toujours en quête de nouveauté) succédera le Club St Germain, fondé 13, rue St Benoît autour de Boris Vian et de ses amis pour y faire jouer du jazz.

On le sait, ces établissements bientôt appelés boîtes de nuit vont fleurir dans Paris. Aux années Tabou succéderont les années Régine, les années Castel, les vrais orchestres étant remplacés par des sonos tandis que le jazz laisse la place au rock et à toutes les infra-musiques qui en ont découlé.