Vivre à Paris

Les grandes brasseries de Montparnasse

Dans Paris est une fête, Ernest Hemingway a chanté la geste des grandes brasseries de l’âge d’or, faisant de Montparnasse le QG des américains à Paris. Revenons un instant sur ces lieux mythiques…

La Closerie des Lilas est tout d’abord un bal, qui ouvre ses portes en 1847. Il s’agit à l’origine d’une simple guinguette sur la route de Fontainebleau. Le lieu devient une plaque tournante de la fin du XIXe siècle. Léon Bloy y pérore, Paul Fort y est le « prince des poètes » avec sa revue Vers et prose ; on y croise Jarry, Fargue, Moréas, mais aussi le baron Mollet, ombre d’Apollinaire et vice curateur du collège de Pataphysique.

Plus près de l’angle Raspail, Le Dôme est le centre stratégique des peintres de Montparnasse, qui viennent jouer au billard sous l’œil bienveillant du père Chambon, auvergnat bon teint.

En face se trouve La Rotonde. Victor Libion achète en 1911 ce bistro, l’agrandit en y ajoutant la boucherie voisine, et crée une institution telle que Charlie Chaplin, débarquant à Paris en 1921, exigera d’y passer ses premiers instants dans la capitale. Lénine et Trotski sont des habitués, les cubistes y tiennent salon, on y renifle éther et cocaïne… A la fin de l’occupation, Libion se serait livré à un trafic de cigarettes. Pour payer sa (grosse) amende, il sera obligé de céder son affaire…

Son voisin Le Select est créé en 1924. D’abord un bar ne visant que la clientèle américaine, il a le grand avantage d’être ouvert toute la nuit. Il devient le cœur secret de la « génération perdue » en rassemblant Hemingway, Fitzgerald… Aujourd’hui, il ferme à 2 h du matin. Signe des temps…

Dernier né de la grande famille des restaurants de Montparnasse, La Coupole est lancée dans les années 20. Au départ deux auvergnats, Fraux et Lafon, rachètent un dépôt de bois du boulevard du Montparnasse qui devait être transformé en garage. Pour eux, ce lieu peut être le théâtre d’un des plus spectaculaires restaurants des années folles. Dont acte : les compères demandent aux architectes de leur concevoir une salle sur deux niveaux ainsi qu’une terrasse et un dancing. Las, le terrain est creusé de carrières et il faut bétonner le sous-sol, ce qui coûte une fortune. Le nom « Coupole » est choisi en clin d’œil à la Rotonde et au Dome. Pour décorer les piliers, on demande aux peintres locaux de venir « se faire plaisir ». Le 20 décembre 1927 est enfin ouverte La Coupole, avec quelques 2500 invités qui vont vider les 1200 bouteilles de Champagne bien avant la fin de la soirée ! Cocteau, Cendrars, Vlaminck, Man Ray, Maurice Sachs et autre Pierre Benoît viendront admirer les 1600 mètres carrés de ce palais tout neuf. A cette époque, Paris était vraiment une fête !