Vivre à Paris

Les grandes tables des grands boulevards

Alors que la Restauration assiste au succès du Rocher de Cancale, si cher à Balzac, la Monarchie de Juillet puis le Second Empire voient naître maintes tables célèbres, essentiellement sur les Grands Boulevards.

A l’angle du boulevard des Capucine et la rue de la Chaussée d’Antin, allons souper avec Rossini chez Paillard. Ou bien préférez-vous manger quelque spécialité italienne chez Poccardi, à l’angle des Italiens et de la rue Favart ? Nous pouvons aussi aller nous régaler de ces andouillettes truffées qui enchantaient Grimod de la Reynière, au café Hardy, à l’angle de la rue Laffitte. Mais faisons vite, car dès 1841 va se trouver ici la célèbre Maison Dorée, dont il ne reste aujourd’hui que la façade engluée dans une dépendance de la BNP. Face à elle (à l’emplacement du Marivaux) s’est tenu le fameux Café Anglais, que dirigeait le chef  Adolphe Dugléré. Le 7 juin 1867 y fut donné le fameux « diner des trois empereurs », en pleine exposition  universelle. Alexandre II, le futur Alexandre III, le Grand duc Wladimir et le Roi de Prusse y dinèrent à l’étage, parmi les salons particuliers, dans le très demandé « Cabinet du Grand Seize ». On dit que sa  décoration délirante plaisait aux têtes couronnées, ainsi qu’aux grandes courtisanes.

On peut aussi aller chez Véron, rue Vivienne, où la cuisinière Sophie régale les comédiens du Vaudeville. Ou bien chez Paul Brébant, boulevard Poissonnière, où se tiennent des réunions de club : le « dîner des Spartiates », autour des Goncourt, Renan, et Claretie ; le « dîner du bœuf nature », autour de Zola, Flaubert, Daudet, Mirbeau… C’est également ici que Zola fêtera la centième de sa pièce Nana, le beau monde trouvant cocasse de se déguiser en blanchisseur (gauche caviar, quand tu nous tiens !)

On peut même pousser jusque chez Véry, au 22 du boulevard de Magenta. Mais gare ! C’est là que fut arrêté l’anarchiste Ravachol. Et c’est là qu’explosa une bombe, la veille de son procès, le 25 avril 1892.