Saint Germain des Prés

Quartier Breteuil
Quartier Breteuil
Quartier Breteuil
Quartier Breteuil
Quartier Breteuil
Quartier Breteuil
Quartier Breteuil

Petite histoire des bouquinistes

Les bouquinistes sont des franc-tireurs, des contrebandiers, des brigands. Je m’explique : alors que les libraires ont pignon sur rue dans le Paris de la Renaissance, voilà que ces margoulins piratent leur profession. Proposant leursboeckin (du flamand « petit livre ») sur des tréteaux, dans des paniers d’osiers, ou à même le sol, ces bouquinistes sont la bête noire des libraires patentées et de la police.

D’autant qu’ils vendent ces livres interdits qu’on imprime en Hollande. Voilà pourquoi leur «activité» est-elle réglementée dès 1578. Nul ne pourra faire commerce ambulant de livres, sinon douze revendeurs autorisés qui se trouveront près du Pont Saint Michel, sous le palais de Justice et au pied de Notre-Dame. Autant dire sous l’œil du pouvoir… Un temps respectée, cette règle vole en éclat à l’ouverture du Pont Neuf, qui devient le lieu de tous les trafics tant il est passant. C’est même un véritable marché parallèle qui se développe, les bouquinistes devenant l’armée des ombres de la contestation imprimée.

L’Etat a beau tenter d’endiguer l’infection, elle se répand partout et ira croissant jusqu’à la Révolution : on en compte 120 en 1732 et plus de 300 en 1796. Au XIXe siècle, leur rôle politique est amoindri. Les Grands Travaux du Second Empire les contraints de quitter les boulevards et les rues sombres pour se recentrer sur les quais, la plupart étant rive gauche, entre l’Institut et les Beaux-Arts. Mais c’est en 1891 que ces nomades s’embourgeoisent : autorisation leur est enfin accordée de laisser sur les quais ces boites en bois dans lesquels ils exposent leur marchandise. Lors, comme l’armée des ombres s’affadit une fois le calme revenu, ces francs-tireurs s’établissent.

En 1904, ils ouvrent une chambre syndicale et tout devient réglementé. Ils sont aujourd’hui au nombre de 240, se partageant 900 boîtes et la préfecture de Police leur accorde chacun 8 m 60. Chaque boîte ne peut excéder 2 m de long, 75 cm de large, et 2 m 10 de hauteur lorsqu’elle est ouverte (pour ne pas boucher la vue sur la Seine aux touristes). Quant à leur concession, elle est à renouveler chaque année, à la Mairie de Paris. Au départ, on acceptait en priorité les pupilles de la nation, les veuves de guerre et les infirmes. Aujourd’hui, quiconque peut mettre sa candidature mais la corporation n’est pas des plus tendres…