Vivre à Paris

Les carrières

Si les parisiens savent que leur ville est un gruyère, beaucoup préfèrent l’occulter. Eh quoi : notre vivante métropole serait posée sur quelques trois-cents kilomètres de galeries souterraines, telle une immense ville sur pilotis ? C’est pourtant vrai. Sous nos caves, nos égouts, nos métros, survivent les carrières…

Cet immense réseau labyrinthique s’étend en effet sous une grosse partie de la rive gauche (de l’Odéon au Parc Montsouris) et quelques zones de la rive droite (Chaillot, Montmartre, Belleville et Ménilmontant) à environ vingt mètres de la surface. L’origine de ces carrières ? La pierre. Depuis l’époque gallo-romaine, les parisiens tirèrent du sol la matière de leurs bâtisses.

Aux origines de Paris, ces « mines de pierre » furent d’abord exploitées à ciel ouvert : le calcaire rive gauche, le gypse rive droite. Mais la capitale s’étendant au-delà de la Seine et du Marais, il fallut dès le XIIe siècle creuser en sous-sol, de plus en plus profondément (parfois 25 m), pour ne pas mettre en péril l’équilibre de la surface.

C’est toutefois à la veille de la Révolution, en 1777, que fut créée l’Inspection Des Carrières. Le pouvoir se rendait compte de l’immensité qui avait fini par se creuser sous Paris, constituant un danger aussi bien physique que… politique ! Chaque couloir fut alors recensé, marqué de sa rue « en surface », et des cartes furent lentement établies.

Au XIXe siècle, tandis que naissaient les égouts puis le métro, cette ville souterraine devint une attraction touristique, avant d’être fermée au public, ne nous laissant aujourd’hui que les fameuses catacombes de la Place Denfert-Rochereau. En 2014, que reste-t-il des carrières ?

Une immense zone franche aux innombrables vestiges (laboratoires souterrains, sanctuaires, abris de guerre, bunker, salles d’expositions, cachettes, champignonnières, brasseries, tombes de fortunes, armées de crânes et fémurs…) où s’aventurent des curieux bien équipés : les cataphiles, qui y font la fête, semant tracts et tags. Comme l’écrivait Jacques Yonnet « Il n’est pas de Paris, il ne sait pas sa ville, celui qui n’a pas fait l’expérience de ses fantômes ».