Vivre à Paris

Qui se souvient de la Zone ?

Si le souvenir des fortifications de Thiers s’est noyé dans le boulevard périphérique, il est une image qui reste dans la mémoire des piétons de Paris : la zone. Ainsi furent surnommés les 250 mètres de territoire non constructible, aux pieds de la muraille.

Dès l’édification du mur, poussèrent rapidement sur cette surface soi-disant interdite de nombreuses petites maisons de fortunes, masures de bois ou de tôles, où vivait une population de marge qui inspirera longtemps les écrivains, les photographes et les cinéastes du réalisme poétique. Ici, l’on ramassait les crottes de chiens pour les revendre aux mégissiers. C’est ici que se terraient ces Apaches qui fascinèrent tant les parisiens à l’époque de Casque d’Or. Chiffonniers, jardinets miteux, revendeurs de tous poils : cette zone était belle et bien franche, autorisant tous les trafics. Les gens ayant tendance à rejeter hors de la ville (donc des fortifs) nombre de leurs ordures, celles-ci étaient récupérées par les habitants de la zone, qui en firent bientôt commerce. De là sont nées les Puces

La zone reste une destination presque campagnarde, pour les parisiens du dimanche. Ceux qui n’ont pas le courage (ou les moyens) de pousser jusqu’aux ginguettes des bords de Marne, viennent ici manger moules et frites dans les bistros improvisés.

Cette zone a toujours hypnotisé, pour le meilleur ou le pire. D’aucuns la croyaient habitée d’un demi-million de personnes, alors qu’ils n’étaient pas plus de vingt mille, à la veille de la grand guerre. Vingt ans plus tard, ces miséreux approcheront des 40 000, alors même que l’endroit est peu à peu loti de ces immeubles dits « de la Ville de Paris ».

Après la démolition de l’enceinte, la zone commence à être nettoyée en 1926.

Mais il faudra plus de trente ans pour en expulser les habitants. Aujourd’hui, la zone n’est plus. Son souvenir est resté un temps, dans une Rue de la Zone, du XIIe arrondissement. Celle-ci sera rebaptisée rue Auguste Escoffier en 1954…